Interview de ANG LEE

Réalisateur de TIGRE ET DRAGON (04/10/2000) Ang Lee, qui avait réalisé RAISONS ET SENTIMENTS en 1995, signe avec TIGRE ET DRAGON un film éblouissant qui a conquis le cœur et les esprits des critiques, mais aussi du public. Ang Lee et Chow Yun Fat, deux voltigeurs étincelants, furent acclamés au Festival du film américain de Deauville 2000.

Pourriez-vous parler de la naissance du projet ?

C'est une longue histoire, c'est un peu l'accomplissement d'un rêve d'enfant. Petit, lorsque j'habitais Taiwan, je regardais déjà beaucoup de films d'arts martiaux. Ce sont mes six premiers films qui m'ont préparé à faire celui-là. Mes trois derniers films étaient en langue anglaise : il était donc temps que je refasse un film en chinois. Pour le financement, j'avais commencé la pré-production du film avant d'avoir la totalité des financements, ce qui procurait à la fois un sentiment inquiétant et excitant. Nous avons pré-vendu le film dans tous les pays, en vendant le nom de Chow bien sûr… En parlant de mon film aux investisseurs, je leur disais que RAISONS ET SENTIMENTS était déjà un film d'art martial, à sa manière ! Je leur ai dit que j'allais en faire un autre, mais cette fois-ci en chinois ! Mon ambition était de réaliser un film dramatique qui mêle en plus les arts martiaux. J'avais placé la barre très haut, parce que pour arriver au niveau des plus grands films chinois du genre, il fallait au moins quatre-vingt jours de travail, c'est énorme. Alors quand en plus on ajoute une véritable structure dramatique… Et puis ça a été formidable de travailler avec ces comédiens, qui sont parmi les meilleurs que l'on ait en Asie.

 

TIGRE ET DRAGON est présenté au festival du film américain de Deauville. Hormis le système de production, en quoi considérez-vous qu'il s'agisse d'un film américain ?

C'est la quatrième fois que je viens à Deauville, et c'est vrai que l'on me pose assez régulièrement cette question. L'an dernier, je suis venu avec un film purement américain, RIDE WITH THE DEVIL, (qui n'a pas été distribué en France, Ndlr), mais pour les précédents il s'agissait de films chinois. Seulement, à cause des systèmes de distribution et de pré-ventes, je me retrouvais dans le festival du film américain. C'est la manière dont j'ai monté le financement de mon film qui a permis son exploitation par l'intermédiaire de différents distributeurs, dont la Warner pour la France. TIGRE ET DRAGON allait être un blockbuster en Asie, comme tous les films d'arts martiaux, mais il fallait aussi qu'il le soit aux Etats-Unis et en Europe, où ce genre de films sortent dans des cinémas d'art et d'essai. Ça, c'est une autre histoire… J'espère que ça va marcher, et que je pourrais être distribué dans de plus grands circuits pour toucher un public plus large.

 

Le film va sans aucun doute être comparé avec MATRIX (Yuen Wo-Ping, qui a chorégraphié les scènes de combat, avait dirigé les séquences d'action de MATRIX, Ndlr). Mais MATRIX était destiné à un public de jeunes, alors que TIGRE ET DRAGON pourra plaire à un public beaucoup plus large. Est-ce que vous y avez pensé à l'écriture, en intégrant des personnages féminins notamment ?

Il est évident qu'il puisse y avoir des comparaisons. Personnellement, lorsque j'étais en production, j'avais vu MATRIX, mais je ne vois pas vraiment de similarités entre les deux films. En revanche, lorsque je l'ai vu MATRIX, je me suis dit qu'il était temps de sortir un film d'art martial asiatique sur une grande échelle. Ça a été un signal. J'ai voulu combiner l'action et l'émotion. J'espère y être parvenu.

Propos recueillis par Olivier Salvano

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